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LES COULISSES DU DAMAGE AVEC DAMIEN SIEGA

Le soleil se couche. Les skieurs aussi dans quelques heures. Les dameurs, eux, vont débuter leur chorégraphie de la nuit. 17h30, le moment est venu : ils prennent place dans leur machine, laissent échapper le ronron des moteurs et partent pour 7h de travail. Comme le Père Noël, le dameur œuvre la nuit à l’aide de sa lame et de sa fraise, offrant aux skieurs le plus beau des cadeaux au réveil : des pistes comme du velours.

À l’évidence, son traineau est bien plus imposant. Pour les mordus de mécanique, il y a de quoi être comblés ! 10 tonnes portées sur des chenilles de 5m de long, une motorisation de 530CV, un treuil avec 1000m de câble permettant une force de traction de 4,5 tonnes et une lame avant qui peut pousser 1 tonne de neige ! Pour Damien Siega, responsable du damage depuis 16 ans, « il faut bien tout ça pour remodeler les pistes et remonter au sommet de la pente les tonnes de neige descendues chaque jour par les virages des skieurs ».

Pour autant, cette surpuissance devient de la délicatesse quand la conduite commence. À l’intérieur de la cabine, ce n’est plus une démonstration de force. Les commandes sont sensibles et nécessitent de véritables doigts de fée. La lame est utilisée comme le prolongement de son bras et de ses doigts. À travers l’acier, il perçoit un toucher de neige dont lui seul a le secret.

Chaque nuit, l’escouade de huit chauffeurs des Carroz répète les mêmes tâches de précision : casser et niveler les bosses, brasser la neige, jouer avec les épaisseurs et économiser le manteau neigeux, égaliser la pente, consolider des portions ou dégager des surfaces obstruées, lisser la neige et bien sûr tracer des lignes parfaites avec le « peigne » de la fraise. Tout ceci dans le seul but de garantir une superbe glisse ! C’est en ce point qu’un bon dameur est aussi forcément un skieur. Pratiquer les pistes permet de connaître les sensations d’une super descente – celle que tout le monde connait !

Pourtant, le planning de travail n’aide pas à chausser les skis. Le poste habituel débute à 17h30 et prend fin à 1h. « Cette configuration correspond à une météo normale. On dame tôt pour que les pistes puissent redurcir avec le froid de la nuit. Par contre, si les flocons sont de la partie pendant la nuit, les horaires basculent de 2h à 9h pour que le domaine skiable soit prêt à l’ouverture ».

Ce rythme en décalé est la preuve que le damage est une vocation. Il suffit d’interroger un dameur pour comprendre que la passion est la principale motivation. Beaucoup ont attrapé le virus lorsqu’ils étaient petits, jouant déjà avec des engins miniatures. Mais cette pénibilité du métier est aussi effacée par des moments privilégiés, comme « voir le coucher ou le lever de soleil, avoir la nature pour soi ou se faire des têtes-à-têtes avec les animaux ».

Dans le concret, chacun conduit sa machine et dame son secteur tout l’hiver. Cette répartition est précieusement définie par le plan de damage, sorte de briefing quotidien. Selon la météo, l’enneigement ou l’état du domaine, des tâches spécifiques y sont ajoutées. Ne vous y trompez pas, même si chacun est seul à façonner son petit coin… Les dameurs forment une équipe. Un tout ne formant qu’un sur les 29 pistes des Carroz.

Aujourd’hui, la technologie s’est mise au service d’un damage de plus en plus précis. Le tableau de bord est survitaminé avec de nombreuses fonctionnalités, des caméras de recul, un système de localisation GPS et surtout un dispositif de mesure de l’épaisseur du manteau neigeux (précis à 5cm près). « En comparant des données issues du sol en été, la machine calcule la hauteur de neige sous les chenilles » explique Damien. Une prouesse et un atout à bien des égards. « Grâce à cette innovation, il est possible de déterminer avec exactitude les zones où la quantité de neige est suffisante ou non. On ajuste le damage pour avoir une couche homogène sur l’ensemble des pistes. Et on contribue à éviter le gaspillage des ressources en eau et en énergie pour ne produire ou ramener de la neige qu’aux endroits nécessaires ».

Avec engouement et discrétion… Voilà comment dans la solitude de la nuit, les dameurs façonnent nos journées de ski.

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